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Intégrer la nature dans le quotidien des jeunes enfants
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Les équipes de Crèche par Nature ont eu la chance d’être formées par Elena Barumerli, alias « Une italienne en plein air », qui a pour mission d’accompagner les professionnelles de la petite enfance à intégrer la nature dans leur quotidien avec les jeunes enfants : aménager l’espace pour le bien-être à travers la création d’espaces multi-sensoriels et naturels, aménager des espaces extérieurs pour créer des expériences qui stimulent la curiosité, savoir créer un lien avec le territoire pour organiser des sorties en toute sécurité, créer un projet nature personnalisé… Faites connaissance avec Elena, et vous comprendrez pourquoi ses interventions sont précieuses pour améliorer et faire perdurer les principes de Crèche par Nature.
Elena Barumerli, qui êtes-vous ?
Je suis italienne et infirmière de formation. J’ai passé mon enfance à la campagne, près des Dolomites en Italie. Une vie simple faite de rencontre, d’auto-suffisance, de partage avec la communauté et de jeux libres dans les champs et les rues du village.
Suite à l’obtention de mon diplôme d’infirmière et plusieurs années de bénévolat avec des familles sans papiers, le chemin que je voulais entreprendre était clair : la prévention de la santé globale (de soi, de l’autre et de l’environnement). Dans la même période (pendant la pandémie en 2020), j’ai commencé à m’intéresser à l’écologie et aux pédagogies alternatives notamment l’outdoor education et la pédagogie par la nature.
Persuadée que la nature permet le bien-être des plus jeunes enfants en étant un lieu d’émerveillement et riche en expériences sensorielles, j’ai commencé à approfondir le sujet à travers des formations ainsi que des voyages pour vivre des expériences d’éducation en forêt en Italie, France et Espagne.
La co-création d’une crèche en forêt en parallèle de mes études (master en « outdoor education ») m’a permis de lier théorie et pratique pour pouvoir accompagner aux mieux les professionnelles dans leurs projets de biophilie et d’éducation en plein air.
Depuis mon installation en France début 2022, j’ai accompagné plusieurs structures d’accueil de jeunes enfants dans la création de projets d’éveil au vivant et je suis aujourd’hui également directrice de crèche. Chacune de ces expériences m’ont permis d’évoluer et de monter en compétence mais surtout de rentrer en empathie et comprendre en profondeur les besoins spécifiques des professionnelles et pouvoir leur répondre de façon cohérentes lors de mes accompagnements.
Quel a été votre point de départ pour vous engager dans cette voie ?
Mon point de départ a été un rêve. Créer des projets éducatifs et soutenables en Afrique. En 2020 tout était prévu: un projet de co-construction d’une crèche et une école maternelle en Sierra Léon, les billets achetés et la motivation pour tout laisser derrière moi et suivre ce rêve profond.
Seulement le COVID-19 est arrivé le mois précédant mon départ et je n’ai pas pu partir. Me demandant pourquoi la vie me bloquait en Europe, j’ai, après quelques jours de réflexions, trouvé une réponse : je devais monter en compétences pédagogiques, visiter d’autres projets pilotes, apprendre la permaculture, la vie en communauté, la communication non-violente… Je me suis donc remise en chemin et après quelques mois de volontariat dans des fermes biologiques, j’ai eu l’opportunité de co-créer une crèche en forêt en Italie. Il faut faire confiance à la vie, elle nous donne les bonnes réponses au bon moment.
Un autre point de départ c’était la conscience écologique et l’urgence de connecter les enfants au vivant pour leur apprendre à en prendre soin. Une question m’a donc guidée : pas seulement “Quelle planète laisserons-nous à nos enfants ?” mais surtout “Quels enfants laisserons-nous à la planète ?”
Qu'est-ce que la biophilie ? Quelles en sont les applications concrètes en crèche ?
Le terme biophilie est composé de bio pour “vie” et philia pour “amour”. La biophilie est donc l’amour pour la vie.
La théorie de la biophilie nous invite à retrouver un contact profond et une connexion réelle avec le vivant. Ce contact permet l’émerveillement, l’observation, l’épanouissement, la collaboration, le respect ainsi que la concentration, l’attention et les comportements pro-environnementaux.
En effet, la biophilie nous rappelle l’importance de ce contact qui a accompagné le développement de l’être humain depuis des milliers d’années et tout le long de son développement cognitif et évolutif. L’homme et la femme ont donc depuis toujours évolués en faisant partie intégrante de ce qu’on peut appeler “le vivant”. C’est seulement depuis la révolution industrielle que la nature a été marginalisée dans nos vies, de nos quotidiens et cela a eu un fort impact sur notre santé et sur le développement de nos enfants.
Ainsi la rupture de ce contact avec la vie et cette déconnexion nous amène à une sorte de “biophobie” ou “peur de la nature” qui amène des comportements anti-environnementaux, responsables entre autres de la crise climatique. Il apparaît donc urgent et essentiel de se re-connecter au vivant et d’entretenir un contact réel avec le vivant dès le plus jeune âge.
Quels sont les bénéfices pour les enfants, leur famille et les équipes ?
Après 40 ans d’études scientifiques sur le sujet, nous savons maintenant que le contact avec la nature apporte à tout âge plusieurs bénéfices sur le plan psychologique, physique et relationnel.
Quelques bienfaits psychologiques :
- Réduction du stress
- Baisse de l’anxiété et des risques de dépression
- Meilleure confiance en soi
- Meilleure créativité
- Aide à la canalisation des émotions
- Diminution du pourcentage des troubles de l’attention et des burnout
- Diminution de l’absentéisme scolaire
Quelques bienfaits physiques :
- Diminution des taux d’obésité, diabète, myopie
- Meilleure croissance musculaire et osseuse
- Développement d’un système immunitaire plus fort
- Baisse de la fréquences des grippes
- Meilleure motricité ne et globale
Quelques bienfaits relationnels :
- Baisse des comportements violents
- Augmentation des comportement coopératifs
Quels sont les bienfaits les plus importants que vous ayez ressentis pour les enfants ?
J’aime penser que chaque enfant est un univers. C’est pour cela que l’espace d’accueil doit être bien pensé, modulable et riche en expériences motrices et sensorielles. L’espace naturel garantit un riche éventail de propositions sensorielles, motrices et ludiques et permet donc de co-éduquer et accompagner au mieux les besoins spécifiques de chaque enfant en moment précis. Un enfant qui aura besoin d’utiliser son corps pour transformer ses émotions utilisera l’espace disponible pour l’exprimer. Un enfant qui aura besoin de se retirer trouvera un espace de refuge. Un enfant pourra exprimer sa créativité ou sa manualité avec la terre, le jardinage ou la manipulation d’objets naturels. Des enfants épanouis seront ainsi plus amenés à collaborer et à prendre soin de leur environnement relationnel et physique.
Les principaux bienfaits que j’ai pu relever sont que l’éducation en plein air favorise l’expression de l’unicité de chaque enfant et la connaissance de soi, de l’autre et de l’environnement. Un exemple marquant que j’ai vécu à la crèche en forêt en Italie : un enfant auparavant catégorisé comme hyperactif était en réalité un enfant très courageux qui aidait les enfants plus réticents à se laisser aller dans la découverte (grimper, sauter etc..) en donnant l’exemple. Pouvant s’exprimer pleinement à l’extérieur, son estime de soi s’est améliorée et sa capacité à entrer en relation avec les autres est devenue plus fluide. Ainsi dans un espace clos où son “hyper-activité” aurait été dérangeante pour la collectivité, elle est à l’extérieur devenue une ressource. La différence devient donc une opportunité et non plus une stigmatisation.
C’est pour cela que l’aménagement de l’espace et des activités partant des besoins et de la curiosité de chaque enfant est nécessaire an de créer une atmosphère harmonieuse qui soutient l’unicité de chacun.e.
Comment les équipes doivent-elles évoluer pour s'adapter à cette nouvelle philosophie ?
Pour accompagner les enfants en nature et les rapprocher du vivant avec respect, il est primordial auparavant de s’interroger sur la connexion et le lien que nous entretenons avec lui. C’est pour cela que des formations et des accompagnements structurés et professionnels sont essentiels pour d’abord se questionner sur nos pratiques et apprendre à surmonter nos peurs et freins de l’extérieur.
Pour évoluer dans nos pratiques, il est aussi très important de travailler en équipe, de s’interroger ensemble et partager une vision commune. Travailler en équipe pour dépasser nos freins, coopérer, débriefer et apprendre des erreurs pour évoluer ensemble et avoir une posture cohérente et bienveillante avec les enfants et leurs familles.
Enfin le travail avec les familles est également un axe fondamental pour rendre le projet durable dans le temps et le faire évoluer. Leur ouvrir les portes de la crèche, créer des espaces d’écoute, de partage de vécu et d’expérience est fondamental dans cette démarche.
Quelles sont les principles difficultés rencontrées ?
Je pense que l’étape la plus difficile à passer est d’initier le projet. Nous avons notamment peur de faire des erreurs, peur que les enfants se fassent mal ou peur de n’être pas à la hauteur. Ce que j’aime à penser, c’est que c’est à travers les erreurs que l’on avance, que l’on apprend. Il faut se donner le droit de faire des erreurs, et donner le droit aux enfants d’en faire, pour ensuite se questionner, et s’améliorer.
Une autre difficulté est de réussir à sensibiliser convaincre l’intégralité des membres de l’équipe sur les bienfaits de l’éducation en plein air et sur les risques que le manque de nature peut avoir sur la santé des enfants et des adultes pour pouvoir mener ce projet à bien ensemble, en équipe. Il est aussi important de réussir à sensibiliser les familles et la communauté qui apporteront leur soutien au projet.
Quels sont vos engagements aujourd'hui pour lesquels vous êtes le plus fière ?
La possibilité de collaborer avec le réseau de micro-crèche « Crèche par Nature » est très précieuse. La sensibilité et la motivation des équipes démontre que le changement est possible et que jour après jour il prend racine dans le cœur des pratiques professionnelles pour garantir le bien-être des enfants et des familles. Je suis aussi très fière d’entretenir un lien avec l’Italie et notamment avec le réseau Scuole Naturali avec qui je collabore et continue à me former.
Également la collaboration avec « Tous Dehors France » et le groupe de travail « Petite enfance en nature » me permet de créer un réseau en France et de tisser des liens profonds avec des professionnels pour que le sujet de l’éducation en plein-air devienne un véritable questionnement sociétal et que le vivant soit toujours plus accessible aux tous-petits. J’aime penser que toute seule je peux faire ma part mais qu’ensemble nous pouvons faire la différence !